Rêver...
au moins
il nous reste le rêve
les rêves...
C'est bien, c'est bon
mais dangereux: on ne vit plus.
"C'est seulement si tu es rêveur d'impossibles
que tu seras en mesure d'atteindre
les impossibles rêves.
Rêver...
au moins
il nous reste le rêve
les rêves...
C'est bien, c'est bon
mais dangereux: on ne vit plus.
"C'est seulement si tu es rêveur d'impossibles
que tu seras en mesure d'atteindre
les impossibles rêves.
Sans soleil mais pas sans soif
l'apéro fut sympa et partagé
Dur dur d'être imbibé..!
Je m'en allais
pieds nus sur les cailloux
les chevilles souffrant
au rythme de mes élans
sifflant insouciant
amoureux fou
du chemin buissonnier,
des détours de la vie
l'esprit en bandoulière
pirate intrépide
de la rivière.
Je m'en allais
joyeux indécent
le regard fouineur
ignorant sa richesse
d'enfant libre insolent
engrangeant souvenirs
regrets et images
pour la mémoire à venir
Je m'en allais
ivre de sons de lumières
inattentif à l'instant
au sourire féminin
à l'amitié
alors que, plus tard,
trop tard
la menace de l'oubli
sourdra insidieusement
jusqu'à effacer
le présent ,
fragile passerelle du temps
Je m'en allais..
comme je m'en vais chaque jour
un peu plus loin
un peu plus seul...
Le char donnerait
toute sa cuirasse
pour chanter comme le chardonneret
L’homme seul.
Un peu de mousse soulignait sa lèvre supérieure. L’œil brillant, il était là, simplement présent, seul avec lui-même. Personne ne lui parlait. On le prenait sans doute pour un pauvre mec sans intérêt. Seul, il l’était assurément. Le verre qu’il prenait n’était que le passeport pour le bar qu’il avait choisi.
Son cigarillo, éteint depuis belle lurette, lui donnait un peu d’assurance et occupait ses mains tandis qu’il souriait de la peu discrète surveillance qu’exerçait le serveur. Les serveuses se formalisaient moins : elles le prévenaient très vite de l’interdiction de fumer et l’oubliaient aussitôt. Il n’en avait rien à cirer de leur permission. Il n’était pas fumeur, seulement un peu provocateur, par jeu, pour ne pas s’ennuyer . Son cigarillo, il le rallumait dès qu’il sortait. Sur le pas de la porte, il envoyait un énorme nuage qui s’engouffrait effrontément vers l’intérieur du bistro, juste avant que la porte se referme.
Il repartait ensuite vers son chez lui, un deux-pièces modeste.
Il marchait tranquillement, sans traîner, sans se presser non plus, l’œil vif et attentif. La ville, le soir, est souvent menaçante et pas toujours sans raison.
Il ne s’était jamais fait agresser. Un fois seulement, il avait été bousculé et apostrophé. Le mot « pépère » que le garçon lui avait lancé, l’avait heurté comme un coup de poing. Il n’avait pas répondu. Pas eu le temps. L’autre, sur sa planche à roulettes, était déjà loin. Tant mieux .
Après avoir déposé son chapeau et sa veste sur le bras de la bergère, il lançait sa musique. Cette façon d’agir l’aidait à ne pas penser à l’âge, au vieillissement et à l’affaiblissement de ses facultés. Parfois, il pensait à la mort. Ne vaudrait-il pas mieux larguer les amarres une bonne fois ?
Sortant de ses réflexions il s’assit à sa table, devant la fenêtre ouverte. Il prit un stylo et se lança. Ecrire n’était pas un problème. Dès que la première ligne était tracée, les autres suivaient en ribambelle. Le souci était plutôt de comment arrêter. Il lui était arrivé de vider la cartouche d’encre, laissant le texte inachevé, attendant une suite lors d’une prochaine nuit d’insomnie…
Après plusieurs heures, la tête vidée de tous ces mots qu’il avait amassés en journée, il pouvait enfin s’essayer à dormir. Vers la fin de la matinée, la journée pouvait recommencer, jamais pareille aux autres, jamais monotone. Il savait ouvrir les yeux sur les choses simples, les faits ordinaires, les regards, les gestes, les attitudes et se laisser porter sur la vague des rencontres. Il en avait le temps : c’était son grand luxe.
Lui, l’homme seul,comme il aimait se nommer lui-même, contait les petites étincelles des jours.
En cette fin d’après-midi, en traversant le parc, des passants, des passantes pour la plupart, se pressaient Il avait repéré le skateur.
Pantalon surbaissé, t-shirt 2XL rouge, casquette du même ton vissée à l’envers et des baskets plus ou moins lacées, le gamin terminait sa boisson. D’un geste élégant , il balança la canette vide dans une poubelle.
Sur son banc, en face, de l’autre côté de la rue, l’homme observait. Le garçon l’amusait. Avec ses airs négligés à la façon des jeunes ados d’aujourd’hui, il forçait un je ne sais quoi de sympathie. IL reprit lentement sa course pour, dans le roulement de tambour de ses roulettes, disparaître à l’angle de la rue.
L’homme rêva un moment. Autrefois, pas de skate, que des patins et encore… !
Le soleil de cette fin de printemps disparaissait derrière les grands arbres de l’avenue. Les ombres s’allongeaient. Le soleil clignait des yeux derrière les marronniers et faisait aux figures un masque d’ombres et de lumières.
Il s’en allait quand il sentit un regard sur sa nuque. Surtout, ne pas se retourner : feindre la nonchalance, la confiance en soi.Même pas peur.
L’adolescent , le pied droit sur le dossier du banc, ne le regardait pas. Le lacet s’était enroulé sur un des essieux de la planche. Cela devait arriver. Pour l’enlever, il faudrait le couper. Son regard allait de la planche au bonhomme maintenant tourné vers lui.
- J’ai un canif.
Le garçon le regardait fixement comme s’il n’ avait rien compris : les écouteurs sur les oreilles, ça coupe de la conversation.
Il enleva le casque, le fit glisser sur la nuque, chevalier moderne extrait d’un monde parallèle.
-Pardon ? J’ai pas entendu.
-Tu veux..?
Et il montra le canif.
-Ouais. Mais j’aurai pu d’lacet !
-Une chose à la fois.
-Ok, on coupe.
-Je t’ai vu lancer la canette. Tu es très adroit
-Normal ! J’fais du basket.
-Bien.. ! Et pour ton lacet ?
- Bah, je ne sais pas. Je rentre et on verra.
-Si ça te dit, j’en ai un. Mais…il est bleu.
-Qu’est-ce que vous faites avec un truc pareil ?
- Ce truc, mon garçon, je l’ai acheté pour soutenir la campagne "Handicap international ".
Tout en laçant sa chaussure, le garçon écoutait, attentif, plus du tout enjoué. La cruauté de ces actions malveillantes dépassait son entendement. Bien qu’il en eut perçu quelquefois la dureté, son monde s’incarnait encore dans le beau et l’agréable. L’avenir, il pouvait encore l’imaginer bon et bienveillant. Le vieux monsieur ne le dérouterait pas de ses illusions. Elles sont parfois le moteur de nombreuses belles actions.
- Vous venez souvent ici ?
-Tout dépend du temps. S’il fait assez beau, je passe et selon que le banc est libre ou sec, je m’arrête et je m’assieds.
- Je pourrais m’arrêter aussi?
- Certainement. C’est un plaisir de bavarder avec toi. Tu me sembles un enfant, enfin, je veux dire un grand enfant, éveillé et intelligent.
- C’n’est pas ce que dit mon instit. Il se prend pour un grand prof et il aime étaler ses idées. Il nous répète sans arrêt que la culture, ce n’est pas encore notre truc, sauf pour les bêtises. !
- Avec ton lacet bleu, si tu oses le laisser bien sûr, tu vas l’épater. Je ne suis pas certain qu’il en connaisse la raison. Tu crois que tu pourras la lui expliquer ?
- Sans problème. Tu…enfin, vous…
- Tu ..!
- Tu penses que ce serait un bon sujet pour mon texte du mois ?
- Et comment !
Ils se regardèrent un instant, presque gênés d’avoir été aussi familiers. Le sourire du gamin refléta bien vite celui du vieux monsieur. La glace était brisée. Sept ans, sept mois ou sept jours de rencontres , on verrait.
Le garçon remis son casque, salua de la main et hop, le roulement s'éloignait déjà.
L’homme, plus tout à fait seul, aurait bien voulu lui demander ce qu’il écoutait…Une prochaine fois…Ce serait un autre sujet de conversation. Il n’avait plus envie d’aller énerver les serveurs. Il fit un saut de côté en claquant les talons... en imagination bien sûr., Il n’allait pas se casser une patte aujourd’hui. Il avait un rendez-vous à assurer. L’intention lui faisait chaud au cœur. Pour le coup, il alluma son cigarillo. Le ciel n’en serait que plus bleu. « Le monde est gris, le monde est bleu… » c’est selon ! Le refrain s’imposait.
En rentrant, ce soir-là, il alluma la radio. Il avait envie de musique jeune.. C’était la fin des infos.
« …Accident de tram. Un jeune adolescent, probablement en skateboard, a été blessé grièvement par un tram. Il est sans doute tombé devant le véhicule en mouvement alors qu’il tentait, peut-être par défi, de traverser la chaussée. Ses jours ne sont pas en danger, mais ses chances de remarcher un jour sont compromises. Transporté en urgence à l’Hôpital central, le « Hache Cé » comme on dit, il se pourrait qu’il faille l’amputer d’une jambe. Détail étonnant, le jeune homme tenait fermement une chaussure avec un lacet bleu. »
L’homme regarda son reflet dans la vitre. Il se sentit tout à coup plus seul encore ,fatigué, accablé.
La nuit commençait. Elle allait être longue, très longue : il avait une visite à rendre. L’"Hache Cé" n’était pas si loin.
.......
Ils avaient dit
Plus jamais la guerre
Pour ne plus voir
Les yeux éteints
Des orphelins
Pour ne plus sentir
L'âcre odeur
Des maisons en feu
Ils avaient dit
Mais ils ont vite oublié
Bien assis
Dans leur fauteuil doré
Coincés entre les compromis
Et les contredits
Comme de faux sages
Ils avaient dit
Ils l'ont redit
En fronçant les sourcils
En levant les mains
En baissant la tête
Ils ont osé le redire
En regandant
Les enfants
Mourir
J'ai honte
Et je dis mon impuissance
De ne pouvoir
Que le dire.
La lune s'éteint
le monde n'a d'yeux
que pour sa pudeur.
Revenir
Ne plus partir
Ne plus poser
Mes pas
Dans l’inconnu
Pour qu’enfin
Avec toi
Je sois
Que plus jamais
Le soleil
Ne se couche
Sur nos solitudes
Que les matins
Nous découvrent
Que les soirs
Nous unissent
Matin
Gazon humide
Rosée du matin
Mes mains
Ont dérangé
La besogneuse
Araignée de la nuit
M’en a voulu
Mal éveillée
Soleil peureux
Œil bleu nuageux
Voile déchiré
Drap de la nuit
Terre fatiguée
Gazon foulé
Rose chiffonnée
Rires perlés
Un jour commence